À quelques semaines des élections législatives, Bouanzi Taki Francis, journaliste-écrivain (connu sous le nom de plume Francis Taky), écrit à la jeunesse de Côte d’Ivoire pour « déclencher le changement de comportement et de mentalité ». C’est pour que les jeunes « prennent en charge leur destin politique ».
« Jeunesse, jeunesse ! Sois humaine, sois généreuse. Si même nous nous trompons, sois avec nous, lorsque nous disons qu’un innocent subit une peine effroyable, et que notre cœur révolté s’en brise d’angoisse. Que l’on admette un seul instant l’erreur possible, en face d’un châtiment à ce point démesuré, et la poitrine se serre, les larmes coulent des yeux. Certes, les gardes-chiourme restent insensibles, mais toi, toi, qui pleures encore, qui dois être acquise à toutes les misères, à toutes les pitiés ! Comment ne fais-tu pas ce rêve chevaleresque, s’il est quelque part un martyr succombant sous la haine, de défendre sa cause et de le délivrer ? Qui donc, si ce n’est toi, tentera la sublime aventure, se lancera dans une cause dangereuse et superbe, tiendra tête à un peuple, au nom de l’idéal justice ? Et n’es-tu pas honteuse, enfin, que ce soient des aînés, des vieux, qui se passionnent, qui fassent aujourd’hui ta besogne de généreuse folie ? – Où allez-vous, jeunes gens, où allez-vous, étudiants, qui battez les rues, manifestant, jetant au milieu de nos discordes la bravoure et l’espoir de vos vingt ans ? – Nous allons à l’humanité, à la vérité, à la justice ! », Emile Zola (2 avril 1840–29 septembre 1902). Quatre ans après le fameux J’accuse, Zola, inquiet de voir la jeunesse française profondément divisée par ce sujet, adressait ses idéaux et sa soif de justice. Cette jeunesse désemparée en son temps ressemble fort bien à la nôtre actuelle, qui s’interroge sur son avenir.
Notre pays a eu une longue période d’instabilité et d’incertitude. Ses citoyens modèles se sont fait rares. Ils continuent d’être une denrée hors de prix. Nous avions et avons en face de nous des « faux modèles ». Nous, jeunes de Côte d’Ivoire, avions pataugé sans repères ni modèles. Aujourd’hui, les données ont changé. Nous essayons d’aller vers un monde ouvert où toutes les connaissances sont accessibles grâce à nos téléphones. Le monde est devenu « intelligent », innovant et les résultats de toutes les innovations bousculent toutes les idées reçues. Ce ne sont pas les habitants de cette planète qui resteront à la traine. Nous, la jeunesse, devons prendre notre destin en main. Les jeunes doivent cesser d’être des éternels assistés qui n’attendent que l’aumône des aînés qui, par la force des choses, sont devenus presque indéracinables, usant de toutes les pratiques ignominieuses. En clair, certains sont sans scrupules au point où à 60 ans, ils se bombent la poitrine en se présentant comme des jeunes.
Le 18 décembre 2016, nous allons aux élections législatives. Le scrutin intervient à un moment où le nombre de frustrés et de déçus s’accroît en même temps que le taux de pauvreté chez les jeunes et les femmes. Pour cesser de servir de bétail électoral, nous devons savoir le rôle d’un député. Ce savoir est nécessaire pour déceler les illusions qu’ils nous vendent.
Le Parlement (les députés) vote, chaque année, de nombreuses lois, au terme d’un long processus d’étude, de préparation et de discussion. Les amendements sont déposés par les députés à titre individuel ou collectif, par les rapporteurs des projets de loi au nom des commissions qui les désignent, et par le Gouvernement. À côté des projets de loi déposés par le Gouvernement, chaque député, à titre individuel ou dans le cadre du Groupe politique auquel il a décidé d’appartenir, peut déposer des propositions de loi.
En plus de ce rôle de voter les lois, le contrôle du Gouvernement est un autre aspect essentiel de sa mission au sein de l’Assemblée nationale. Les questions permettent aux parlementaires d’interroger directement les ministres. Soit oralement soit par écrit. Les réponses sont publiées au Journal officiel. Les communications du Gouvernement sont l’occasion pour eux de s’informer et de critiquer un point particulier dun travail d’un ministre. Les commissions permanentes constituent souvent des missions d’information. Ces commissions sont composées de plusieurs députés.
Un député peut être chargé d’établir un rapport d’information sur un sujet déterminé. Les parlementaires peuvent, en outre, appartenir à une commission d’enquête sur la gestion d’un service public ou chargés de recueillir des informations sur des faits déterminés. Les rapports d’enquête sont publiés.
Nulle part, il est question pour un député de faire des promesses démagogiques en annonçant la construction de collèges, de dispensaires, de foyers de jeunes… Cependant, son action au sein du parlement qui consiste à contrôler le gouvernement pour que cesse le gaspillage et le détournement des deniers publics devrait faire en sorte qu’aucun village ne manque d’école, d’eau potable, d’électricité, de dispensaire, de collège et toute autre infrastructure nécessaire au bien-être de la population. Mais hélas !
Nous voulons, à présent, que la jeunesse soit majoritaire au Parlement pour changer la donne. Obliger les dirigeants à rendre compte de l’utilisation de l’argent du contribuable. Contraindre les gouvernants qui se succèderont à servir le peuple et non se servir. En effet, le principe de la bonne gouvernance est de rendre compte. De surtout bien rendre compte. Nous, jeunes de Côte d’Ivoire, devont repousser les lignes de la peur, de ces peurs qui nous maintiennent prisonniers de l’exploitation et de la misère. Nous devrons oser le changement pour aspirer au bonheur. Nous aussi avons droit au bonheur et méritons de vivre heureux. C’est l’attente légitimite de toute la population qui, malheureusement, continue de vivre dans la misère.
Les aînés en qui nous avons mis notre confiance nous ont trahis. Ils n’ont pas amélioré notre situation. Le temps est venu de faire confiance à nous-mêmes. Nous n’avons rien à perdre en le faisant. C’est pourquoi je soutiens la candidature de tous les jeunes, dans toutes les circonscriptions électorales de la Côte d’Ivoire.
Jeunesse de Côte d’Ivoire, ton avenir ne se trouve pas entre les mains d’un « groupe d’intérêts privés » appelé abusivement parti politique !
FRANCIS TAKY, journaliste-écrivain