À chaque région de Côte d’Ivoire, correspond une culture vivrière spécifique. Dans le Zanzan (Nord-Est ivoirien), l’igname occupe une place centrale. Plusieurs variétés de ce féculent y sont cultivées. Deux grands groupes se dégagent : les ignames dites « précoces » et celles appelées « tardives ».
Dans le premier groupe, on retrouve des tubercules aux noms peu familiers : le « kponan » (plus prisé), le « logobêri », le « manpan », et bien d’autres moins connus en dehors de la vaste région Nord-Est. Une fois plantés, les tubercules de cette variété ne mettent pas longtemps avant d’arriver à maturité. Mises en terre dans l’intervalle de décembre et mars, ces ignames sont déterrées vers fin juillet. Dans le deuxième groupe (ignames tardives), on retrouve le » bêtê-bêtê », le « florido », …
L’igname est l’aliment de base des populations du Zanzan. Elle se mange de diverses façons. Mais dans la région, le foutou reste la seule véritable manière de la consommer. À cet effet, pas une concession sans un mortier et un pilon, les ustensiles indispensables pour la préparation du mets.
Ailleurs, le tubercule est consommé après sa transformation en foufou. Ici, on le fait bouillir. On l’écrase ensuite dans un récipient. Du produit obtenu, on ajoute de l’huile rouge (huile non raffinée issue de la graine du palmier). Cette manière de manger le tubercule se voit surtout chez les peuples du Sud.
Des tubercules « rares » dans les zones de production
Le Zanzan, sans doute la cité de l’igname : 60 % de la production vendue sur le territoire national y proviennent. Mais paradoxe : les tubercules ne sont pas moins chers dans les villes productrices (Bondoukou, Tanda et surtout Bouna) qu’à Abidjan. Une réalité qui trouve son explication dans le bitumage de l’axe Bondoukou-Bouna, au milieu de la décennie 1990-2000. Avant, Bondoukou constituait le point de groupage des ignames produites dans le Bounkani, avant leur départ à Abidjan. Ce qui permettait au marché local d’être bien fourni en tubercules de tous genres.
Depuis le bitumage de la route, la production part directement à Abidjan. Les cultivateurs estimant qu’à la capitale économique, le féculent se vend à prix d’or. Conséquence, Abobo et Adjamé restent inondés de tubercules. Tandis que dans les zones productrices, les marchés sont peu fournis. Voilà qui explique le prix relativement élevé de la denrée dans le Zanzan, par rapport au coût bas du même produit à Abidjan.
Autre paradoxe : une fois les nouveaux champs défrichés, il n’y a plus d’ignames à manger. Prennent place le manioc et le maïs comme aliments de substitution. Au grand dam des enfants. La plupart ont en aversion le mets (to) obtenu à partir des semoules de ses 2 produits. Surtout le « kogondé », une nourriture régionale voisine du placali national. Manger ce plat plusieurs jours de suite, en période de soudure, pas une partie de plaisir.
Habitants du Sud du pays, vous êtes prévenus ! Mieux vaut acheter ses tubercules d’ignames sur les marchés d’Abidjan que de demander à quelqu’un de vous les apporter de Bondoukou ou Bouna. Pas sûr qu’il les trouve moins chers comme vous le pensez.
OSSÈNE OUATTARA