Alliagui Soumaïla, à la fois président des jeunes de Soko, membre de la jeunesse communale de Bondoukou et membre RJR de cette ville. Dans cet entretien, il n’a occulté aucun sujet.
Vous avez souhaité nous rencontrer. Pouvez-vous vous présenter à nos lecteurs ?
Je suis Alliagui Soumaïla, membre du RJR (Rassemblement des jeunes républicains, NDLR) de Bondoukou commune depuis 1996. Je suis membre actif du RDR (Rassemblement des républicains, NDLR) de cette ville. Par ailleurs, je suis le président des jeunes de Soko.
En tant que premier responsable de la jeunesse de Soko, quel regard portez-vous sur votre village ?
Le village frontalier tente de sortir de sa léthargie. De par ses singes sacrés, il est connu au double plan national et international. Mais Soko a accusé un grand retard au niveau du développement. Certes nous avons un centre de santé et trois écoles primaires. Cependant vu le nombre d’enfants scolarisés, nous demandons la construction d’un collège moderne. La position stratégique de Soko exige que l’on y construise un marché international. À l’image de celui de Noé. Le poste des douanes a besoin d’être réhabilité pour permettre l’essor du commerce transfrontalier. Le développement de Soko en dépend. C’est pourquoi nous avons été peinés d’apprendre l’abrogation du décret pris par l’ex-régime érigeant Soko en commune rurale.
Vous êtes aussi un des membres de la jeunesse communale de Bondoukou. Aujourd’hui, quel est l’état de santé de cette ville ?
Les infrastructures construites à la faveur de la fête de l’indépendance en 1971 sont gagnées par l’usure. Elles sont devenues vétustes. Même si on félicite le Programme présidentiel d’urgence (PPU) pour avoir réglé un tant soit peu le problème de l’électricité, je dois vous dire qu’à Bondoukou il n’y a pas d’eau. Les populations peuvent passer une ou deux semaines sans eau. Les capacités du château ne suffisent plus pour fournir de l’eau aux habitants. Au niveau de l’éducation, Bondoukou a un seul lycée. La population éducative ayant augmenté, il faut construire plusieurs lycées et collèges. Aussi bien dans la ville que dans les départements et sous-préfectures. On doit enfin construire le lycée pour jeunes filles comme l’Etat l’a promis. Que débute les travaux de l’université annoncée ! Au niveau des infrastructures routières, c’est grave. À Bondoukou, on ne parle pas de nids-de-poule mais de « nids-d’éléphant ». Franchement, nous avons pensé qu’avant l’arrivée du président Alassane Ouattara les infrastructures routières allaient être restaurées. Jusqu’à présent, rien. Le président de la République avait même annoncé les travaux du bitumage des axes Bondoukou-Sampa et Bouna-frontière du Burkina avant la fin de cette année. Pour l’heure, pas d’indice pouvant permettre d’affirmer le début de ces travaux.
Vous ne croyez donc pas aux promesses du chef de l’Etat ?
Si j’y crois ! Seulement nous, jeunes, sommes impatients. La jeunesse attend le début des travaux pour être embauchée. Depuis l’inauguration de l’usine Olam de Bouaké, on avait fait la promesse que la prochaine usine d’anacarde sera construite à Bondoukou, compte tenu du fait que le Zanzan constitue une grande région productrice. La construction de cette unité était annoncée avant l’ouverture de la campagne 2013. À quelques mois de cette traite, nous ne voyons rien. Pourtant, nous jeunes, avions lutté pour que l’anacarde ne parte pas au Ghana. Nous avions risqué nos vies pour donner la chance à l’implantation de cette usine à Bondoukou. Les structures de régulation de l’anacarde se trouvent à Abidjan, c’est-à-dire là où on ne le produit pas. Dans une zone productrice comme le Zanzan, y a rien. Ce n’est pas normal.
Vous venez de dresser un tableau sombre concernant Bondoukou. Comment expliquez-vous cet état de faits ? Le Zanzan est pourtant connu comme une des régions ayant fourni beaucoup de cadres à l’administration publique.
Le problème de Bondoukou, c’est le manque d’union de ses enfants. Sinon depuis le président Houphouët, beaucoup de cadres du Zanzan ont travaillé dans la haute administration. Aujourd’hui encore, beaucoup occupent de hautes fonctions. Mais la discorde, le manque d’union de ces cadres constitue, selon moi, la plaie qui ronge toute la région. Chacun veut en finir avec l’autre pour des intérêts particuliers. Or ce qui prime, c’est le développement de la région. C’est ce dont nous avons besoin, pas autre chose. À la vérité, le Zanzan n’a pas un leader capable de penser le développement.
Venons-en à la vie de votre parti, le RDR. Comme se porte-t-il à Bondoukou depuis l’élection du président Ouattara ?
Je dois vous dire la vérité ! Depuis la Présidentielle et les Législatives, nous, jeunes RDR de Bondoukou, sommes amers. Nous ne voyons plus les cadres du parti. Pourtant nous avons élu deux candidats aux législatives. Bondoukou commune et Sandégué. En tant que membre du RJR, je n’ai jamais appris que le secrétaire départemental de notre parti, en l’occurrence le député Touré Souleymane, a convoqué une réunion des commissaires politiques du département. Ces derniers n’ont jamais convoqué une réunion des secrétaires de sections. Ne serait-ce que pour faire un bilan avant d’aller aux élections locales. J’ai donc peur pour le RDR. La porte de notre siège est fermée depuis les législatives. Personne ne sait pourquoi.
Voulez-vous dire que les responsables du RDR de Bondoukou dorment ?
Oui, je l’affirme ! Puisqu’ils résident tous à Abidjan, même leurs suppléants. Nous avons élu un député qui passe le clair de son temps à Abidjan. Depuis l’ouverture de la session parlementaire, nous attendons que notre député vienne nous expliquer les débats qui ont eu lieu et les projets de lois. Mais en vain. Nous appelons donc les cadres à organiser le parti à Bondoukou et dans le Gontougo. Le RDR est en train de mourir.
Le RDR se porte mal alors ?
Très mal. Le parti se porte très mal à Bondoukou.
Pourtant le président Ouattara a remporté les élections à Bondoukou.
C’est vrai. C’est pourquoi on se pose la question. Pourquoi le RDR se meurt-il à Bondoukou ? Lorsque nous les jeunes, on veut parler, les « grands-frères » disent qu’on s’oppose à eux ; qu’on a été achetés.
À vous entendre parler, on se demande si le RDR aura des candidats aux Municipales et Régionales ?
Les lignes bougent dans les autres partis. Des personnes manifestent leur désir de se présenter à ces élections. Même des indépendants se déclarent, travaillent sur le terrain. Mais jamais nous n’avons entendu une quelconque candidature au sein du RDR pour les Municipales. Ni officiellement ni officieusement. On nous apprend que le délai de clôture des candidatures est fixé au 23 janvier 2013. Mais nous n’avons pas encore le nom du candidat officiel du RDR. Ça nous inquiète, nous, militants !
Quel appel voulez-vous lancer à vos cadres ?
Je demande aux responsables des structures statutaires du RDR de convoquer des réunions. Je veux parler des secrétaires départementaux et communaux, des présidents RJR départementaux et communaux. Qu’ils fassent le bilan des deux tours de la Présidentielle! Par exemple, ce qui a fait que nous avons gagné l’élection. Et ce qui a favorisé la victoire aux Législatives dans la commune de Bondoukou. Éventuellement, voir aussi ce qui n’a pas marché afin d’y travailler pour les Municipales à venir. Nous voulons que des réunions soient convoquées pour informer sur la vie du parti.
Avez-vous au moins un candidat pour les Régionales ?
Ici encore pas de candidat officiel. Je ne sais pas si on ira en RHDP (Rassemblement des houphouëtistes pour la démocratie et la paix, NDLR). Même si on doit aller en RHDP, il faudra que les responsables du RDR informent officiellement les militants à travers des réunions. Nous ne sommes pas du tout informés.
Mais il est de plus en plus question des candidatures du ministre Adjoumani et du professeur Babacauh. Tous deux du PDCI. En avez-vous connaissance ?
Oui ! Le professeur Babacauh est allé officiellement voir l’Iman de la grande mosquée de Bondoukou pour lui annoncer sa candidature. Aussi, avons-nous appris celle du ministre Adjoumani. Au niveau de la jeunesse, nous avons réfléchi sur les deux candidats. Comme les deux disent être pour le développement, ce n’est pas la peine de se battre. Ils doivent faire liste commune. Bondoukou est déjà malade, pas la peine de se quereller à son chevet. Cependant le cumul des postes n’est pas une bonne chose. Monsieur Adjoumani est déjà ministre, député et président de Conseil général. Il peut accepter d’être dans une équipe pour développer le Gontougo. Sans être forcément à sa tête. Pourquoi veut-il forcément être à la tête ? Au lieu qu’il dise « si je gagne je vais donner », qu’il aide plutôt l’autre à gagner pour rester ! Si en plus des soucis du gouvernement que monsieur Adjoumani doit gérer, il doit aussi gérer ceux d’un député cumulés à ceux d’un président de Conseil régional, ce n’est pas la peine. D’autres cadres compétents, capables de penser le développement, Bondoukou en a. Avec son poste de membre du gouvernement, le ministre Adjoumani peut conseiller les autres cadres. Il peut aussi être vice-président. On a besoin d’un cadre qui ne cumule pas d’autres postes, et qui s’installera à Bondoukou pour susciter le développement de Gontougo.
Et si malgré tout le ministre Adjoumani se présente aux Régionales ?
S’il se présente, nous les jeunes, n’allons pas le voter. Nous parlons de cumul de postes. Nous, jeunesse communale, choisiront une personnalité disponible et compétente pour gérer la région de Gontougo. Si le grand-frère Adjoumani ne cumulait pas de postes, on allait aviser.
Selon vous, quel doit être la priorité du futur président du Conseil régional ?
La priorité c’est l’emploi des jeunes. Voyez-vous, les jeunes savent que monsieur Adjoumani est à la tête d’un ministère pourvoyeur d’emplois. Que ne peut donc pas le ministre des Ressources animales et halieutiques pour leur permettre d’avoir des fermes ? Nous lui avons posé cette question.
Que vous a-t-il répondu ?
Monsieur Adjoumani a répondu qu’une antenne régionale de son département sera ouverte à Bondoukou. Qu’il vient de nommer un docteur vétérinaire à cet effet. Ce n’est pas parce que les élections régionales approchent que le ministre va dire de telles choses afin de séduire les jeunes que nous sommes. Il aurait pu permettre à certains d’avoir des fermes depuis longtemps. Au lieu de cela, monsieur Adjoumani a payé toutes les fermes de Bondoukou. Il lui arrive même souvent de narguer les populations en disant ceci : « les œufs que vous mangés proviennent de ma ferme ! ». À quoi on lui rétorque : « mais vous ne nous les donnez pas cadeau ! ».
Avez-vous les preuves de ce que vous avancé ?
Mais ce n’est un secret pour personne. Le ministre a racheté la ferme de son suppléant et celle d’une autre personne. Ce sont ses petits-frères qui y travaillent. Nous jeunes de Bondoukou, voulons qu’il nous donne les moyens de créer des fermes comme les siennes ! Il est ministre de la ferme…
Souhaitez-vous parler d’un autre sujet qui vous tient particulièrement à cœur ?
Je veux revenir sur le problème des Municipales. Je me souviens qu’en 1995, les fils de Soko étaient unis dernière Kouakou Dapa pour son élection. Ça fait dix-sept ans que ce monsieur préside aux destinées de la commune. Il a fait ce qu’il a pu avec les moyens dont il a disposé. Il est temps qu’il laisse la place à ses jeunes frères. Il peut même les conseiller, s’il veut. La commune a besoin d’un sang nouveau, de nouvelles idées. Nous, les jeunes, pouvons gérer la commune ! Encore une fois, et au nom de la jeunesse de Soko, je demande au maire Kouakou Dapa de se retirer.
Autre choses à dire ?
Oui ! Je vais m’adresser au président de la République. Je suis allé au RDR par conviction. Je suis un des premiers à avoir acheté la carte du parti, en 1996. Le chemin que nous avons parcouru est long. Nous avons lutté pour porter monsieur Ouattara au pouvoir. Le président a même pris Bouna et Bondoukou comme ses régions. Qu’il se considère comme un des cadres de ces zones pour penser leur développement ! Cela dit, on est un peu déçu. Dans ses différents gouvernements, nous n’avons pas un ministre issue du RDR de la commune de Bondoukou. C’est pourquoi nous disons qu’au niveau du RJR de Bondoukou, on n’a pas de tuteur. Ce ne sont pas les compétences qui manquent en notre sein. Que le président pense à nous promouvoir ! Moi qui vous parle, je suis enseignant du primaire. Mais j’ai aussi une licence en anglais.
Propos recueillis par OSSENE OUATTARA