Le Zanzan (région nord-est de Côte d’Ivoire) est l’origine de la majorité des filles qui travaillent dans les ménages, à Abidjan. Parler de la question des « servantes » ou « bonnes », c’est évoquer à la fois le problème de la déscolarisation ou l’analphabétisme des enfants de sexe féminin, l’exode des filles vers les centres urbains, leur exploitation et le risque de traite d’êtres humains, la violation du droit de la femme à l’éducation.
« À ton retour à Abidjan, envoie-moi une fille de chez toi ! ». C’est la demande faite par Angéline à un jeune homme qui se rendait chez lui, à Bondoukou. La dame parle d’une personne humaine comme s’il s’agissait d’une marchandise. Êtes-vous choqué par les propos d’Angéline ? Si oui, vous ne devriez pas : le Nord-Est est considéré région pourvoyeuse de servantes, en Côte d’Ivoire. Une main-d’œuvre domestique bon marché, à la limite de la chosification. Cette réalité lui colle à la peau. Si Angéline ne veut d’une fille autre que celle de cette partie du pays, c’est parce qu’elles ont la réputation de « travailler » bien. Une [mauvaise] renommée, cause de plusieurs facteurs.
Les facteurs culturels
Les pesanteurs culturelles limitent la place de la femme au foyer. Cette conception figée se voit chez les habitants de tout le Nord ivoirien. Dans l’univers « nordique », essayer de persuader que l’éducation pour tous fait partie des Droits de l’Homme est périlleux. Les croyances coutumières ont la peau dure. Le mariage : avenir de la jeune fille. Cette dernière attend d’être donnée à un homme. On pense que c’est à l’époux de tout donner à l’épouse.
L’échec scolaire
Le problème est amplifié par le taux élevé de l’échec des filles. Beaucoup abandonnent leurs études sans atteindre le Secondaire. Ces abandons sont aussi la conséquence de la migration vers les villes. Nous le verrons plus loin.
La pauvreté
La région du Zanzan, une des plus pauvres de Côte d’Ivoire. Réalité soulignée par Séry Gnoléba, professeur de français au lycée de Bondoukou. « Cette région est trop pauvre. Raison principale de son retard en matière d’éducation des enfants », reconnaît-il. Eugène Krah, conseiller d’éducation au collège moderne, abonde dans le même sens. La pauvreté préside donc au choix du sexe lorsqu’un parent décide de scolariser ses enfants. Le plus souvent, la fille est discriminée.
L’exode rural
La réussite sociale semble rapide chez la femme, avec l’illusion que beaucoup d’opportunités s’offrent à elle. Le départ vers les villes constitue le raccourci. De nombreux parents le recommandent à leurs enfants. Des filles abandonnent les classes sans atteindre le niveau 6ème ou 3ème, plus tentées par la facilité apparente qu’offre l’exode. Le départ des jeunes filles vers Abidjan, la capitale économique, reste une « saignée ». L’exemple d’Amodi est révélateur de l’ampleur du phénomène. Dans ce petit village de la sous-préfecture de Tabagne (440 km d’Abidjan), on ne trouve que des personnes du 3ème âge et quelques jeunes hommes. Les filles étant parties. Le motif économique reste la principale raison de leur départ des zones rurales.
Abidjan, point de chute
La grande ville d’Abidjan est le point de chute de la plupart des jeunes filles parties des provinces pour une quête d’emploi. Analphabètes et illettrées, le travail de domestique est ce qui leur convient. Aucune qualification exigée.
Les « bonnes » ou « servantes », en raison de leur provenance (les zones rurales pauvres), et à cause de leur faible niveau d’instruction, sont la main-d’œuvre la plus abondante et bon marché. Des travailleuses sous-payées, avec des salaires mensuels variant entre 15.000 et 30.000 francs CFA (23 et 46 euros). Rarement ils atteignent 40.000 francs CFA (environ 61 euros) pour des heures de travail très longues. De 5 heures du matin à 23 heures du soir : 18 heures de labeur, sans repos.
Après des années de travail en ville, les filles retournent dans leurs villages. Non sans quelques transformations physiques qui font pâlir d’envie : rondeurs de citadines, peaux devenues lisses, cheveux frisés, mèches, perruques, bijoux scintillants,… . Elles apportent à leurs proches pagnes, ustensiles de cuisine, produits de beauté,… : des objets parfois de mauvaise qualité. N’empêche ! Ces choses de la ville font dire que la réussite d’une fille est si rapide, si facile. Pas obligée de passer par l’école. Qui ne voudrait pas suivre l’exemple de ces « Abidjanaises » ? Quelle fille voudrait encore aller à l’école ? Quel père, quelle mère ne conseillerait pas à sa fille de suivre l’exemple ?
La joie suscitée par les « choses » apportées d’Abidjan empêche les parents de se poser cette question : dans quelles conditions ces objets ont été acquis ? Les jeunes filles elles-mêmes ne disent pas un mot sur leurs souffrances à la métropole. L’obsession à vite y retourner dissimule leur misère. Toute chose donnant l’impression qu’elles y vivent à l’aise. Des familles conseillent alors à leurs enfants d’aller à Abidjan. On sort sa fille de l’école pour le travail domestique. On déscolarise purement et simplement : violation du droit de la femme à l’éducation. Conséquence de l’ignorance des parents.
Fille de ménage malgré soi
Dans cet univers impitoyable des domestiques, on trouve des élèves issues de familles très pauvres. Ces écolières, obligées d’aller chercher de l’argent en ville pour financer leurs études. À la différence des autres, elles choisissent une période : les vacances. Un laps de temps rudement mis à profit pour faire des économies. Si l’argent obtenu n’est pas conséquent pour permettre une bonne rentrée scolaire, ces enfants sont obligées de travailler 1 ou 2 mois de plus. Les élèves accusent ainsi un retard sur la rentrée des classes. Ici, une des explications de leur échec dans les études.
Ces écolières à la situation sociale difficile, qui choisissent le chemin de l’exode, ne le font pas parfois pour elles seules. Certaines ont des frères, eux aussi élèves. L’argent qu’elles vont chercher en ville sert aussi à la scolarité de ces derniers. L’exemple de Mariam Ouattara, en classe de 5ème, est révélateur. Les moyens financiers qu’elle va chercher à la métropole, à chaque vacances scolaires, servent à scolariser 3 petits-frères et une petite-sœur.
Le revers de la médaille, c’est le risque réel de s’abandonner au goût des petits délices citadins, outre les grossesses qui compromettent leurs études. Le fait d’aller à Abidjan chaque année finit par ôter aux élèves l’envie de poursuivre leurs études. Elles n’abandonnent pas l’école pour rester dans les zones rurales, mais repartent à Abidjan. Le motif économique du départ s’estompe. Supplanté par le désir de s’installer en ville. L’abandon des villages : la conséquence immédiate de la migration interne des jeunes filles. Une fois en ville, les inconvénients s’enchaînent : prostitution, drogue, maladies infectieuses (VIH/Sida),… .
Les conséquences de cette « migration féminine »
Des jeunes filles prennent vite leur « retraite » à cause des grossesses. Plus graves, les maladies avec lesquelles certaines retournent dans leurs villages, auprès des proches. Maladies contractées, le plus souvent, dans les maisons où elles ont servi. Des bonnes à tout faire, les filles accomplissent des tâches sordides : laver les vêtements intimes des autres, contact direct avec des personnes malades, etc.
Des « esclaves » modernes. Parfois privées de nourriture : elles n’ont pas le droit de goûter aux plats qu’elles cuisinent pour leurs patron(nes). Certaines, accusées [à tort] de vol. Si la maîtresse des lieux ne suspecte pas la boniche de « faire les yeux doux » à son mari ! Moyen facile de ne pas verser le dû de l’employée, ou pour se séparer d’une pauvre domestique dont elle ne veut plus. Emploi éphémère : la travailleuse étant à la merci des humeurs erratiques de l’employeur(euse).
Les servantes sont vulnérables sur leurs lieux de travail. En faisant le ménage, un verre ou une assiette cassée par mégarde peut ouvrir la boîte de Pandore. Et malheur à l’infortunée ! Qui doit aussi prier à ce qu’aucune chose ne se perde dans la maison.
Dépassant les frontières départementales et régionales, la migration des filles du Nord-Est vers Abidjan (au Sud) a pris une dimension nationale. Elle a engendré une grosse industrie : prolifération tous azimuts d’agences « spécialisées » en placement de bonnes et autre personnel de maison. Pour une population abidjanaise estimée à plus de 5 millions d’habitants, on dénombre 1 million d’employés domestiques.
Des femmes peu scrupuleuses s’enrichissent dans ce business. Leur méthode consiste à aller chercher les filles dans les localités de provinces pour les faire travailler en ville, dans des ménages. Au départ, des promesses d’emplois décents. Mais vite, la réalité se révèle amère. Loin de leurs parents, la plupart des jeunes filles sont exploitées par ces dames jouant des rôles d’intermédiaires, à qui les salaires sont versés. Une pratique pas loin du « commerce d’êtres humains », reconnaît un militant des Droits de l’Homme. « Les filles sèment, et c’est d’autres qui moissonnent à leur place », révèle une femme, consciente du problème.
Plusieurs millions de francs sont générés chaque mois. De grosses sommes d’argent empochées sur le dos de jeunes travailleuses par un réseau de profiteur(euses). Derrière cette exploitation de personnes fragiles, se cache souvent une tante, une cousine, un oncle. Et même une mère. Paradoxal !
L’encadrement juridique de la profession : le projet de loi du 8 juillet
Être servante, bonne, boy, cusinier,… : des professions comme les autres. Il suffit de les encadrer par les lois sociales. Un projet de loi fixant les conditions du travail domestique et portant organisation des agences de placement a été proposé, mardi 8 juillet 2014, par Adjaratou Fadiga Traoré. Le projet de la députée de la commune de Koumassi a été adopté par la Commission des affaires sociales et culturelles de l’Assemblée nationale. Cette loi, si elle était définitivement entérinée par le Parlement, aurait encadré le travail domestique et « protéger » les employées contre les abus des employeurs. Trois avancées notables : amélioration de la rémunération de base de la travailleuse en la faisant passer au Salaire minimum interprofessionnel garanti (SMIG) qui est de 63.000 francs CFA, mise en place d’une agence nationale des services à la personne chargée de coordonner l’action de l’État en faveur du secteur du travail domestique, simplification des procédures d’embauche et de déclaration.
En outre, la loi obligeait à la déclaration du personnel de maison à la Caisse nationale de prévoyance sociale (CNPS). « Les personnes qui exercent dans ce milieu doivent vivre décemment et avoir une retraite au terme de leur capacité à œuvrer. Ces personnes devront avoir une sécurité sociale », avait martelé la députée Bobi Assa Emilienne. Mais contre toute attente, le projet de loi a été retiré par son initiatrice, la députée Adjaratou.
Une chose reste sûre : la précarité du métier de travailleuse domestique et son caractère éphémère. Le boulot ne permet pas, à terme, une véritable autonomisation des filles. Conscientes de ce fait, certaines investissent les maigres économies réalisées dans de petits projets : vente de légumes, fruits, poissons, etc. C’est le cas de la trentenaire Affoua Badou.
Ayant quitté son village à l’âge de 17 ans, cette mère de 2 enfants a travaillé comme domestique dans plusieurs maisons huppées, à Abidjan. « Avec 15.000 francs CFA comme salaire, quelle épargne peut-on faire ? J’ai dû me priver de beaucoup de choses pour réaliser des économies », se souvient-elle. Avec l’argent économisé, elle s’est offerte une place au marché de la Riviera Palmeraie où elle vend un peu de tout : côtelettes de veau importées, pieds et queues de boeuf, viande boucanée de porc, croupion de dindon. Les premiers bénéfices, aussitôt réinvestis. Les affaires ont prospéré pour Affoua Badou, qui a agrandi ses étals. La femme au foyer n’est pas peu fière de son parcours. Mais un chemin long et pénible. Bonne fin pour une ancienne employée de maison ! Un exemple loin d’être l’histoire finale de toutes celles qui avaient embrassé le métier.
Le Zanzan, région d’origine de la plupart des servantes. Une zone au nombre élevé de femmes analphabètes. Réalité que des ONG veulent changer en son contraire : rattraper son retard en matière de scolarisation des filles. Les campagnes de sensibilisation pour inciter à « envoyer la petite fille à l’école » se multiplient dans ce sens. Les efforts semblent payés : les dernières statistiques attestent d’un taux de scolarisation des enfants de sexe féminin en nette progression.
OSSÈNE OUATTARA
Le milieu naturel de la région du Zanzan ne présente pas moins d’atouts particuliers que les régions du Poro, du hambol ou même du Gbèkè. Alors d’où vient que cette belle et hospitalière région continue d’être à la traine dans le développement ? Il faut tout simplement que chaque fils et fille du Zanzan, cadre ou pas change de mentalité et s’implique sincèrement dans l’émergence d’un esprit nouveau, propice au développement .
Réagissons face à ce problème chers cadres du ZANZAN, c’est un cri de coeur, si vous cadres vous continuez à fermer les yeux sur ce problème, le ZANZAN sera toujours en retard sur le reste de la cote d’ivoire, surtout concernant le manque de cadre féminin dans notre belle région.
le zanzan n est jamais une région pauvre