Selon le directeur des Mines des régions de Gontougo et de Bounkani, 64 sites d’orpaillage « clandestins » ont été fermés dans ces 2 grandes aires géographiques, dans le cadre du Programme national de la réglementation de l’orpaillage en Côte d’Ivoire. Annonce faite au cours de la journée de sensibilisation sur la préservation du parc de la Comoé. La campagne a été une initiative de l’Office ivoirien des parcs et réserves (OIPR). D’après Séa Honoré Pascal, les chercheurs d’or déguerpis n’avaient pas d’autorisation. Et de révéler que ces derniers exploitaient clandestinement le précieux métal « avec la complicité de certaines personnes ».
Les accusations du responsable régional des Mines abondent dans le sens des habitants de Boahia, dans le département de Koun-Fao. Les villageois ont vu débarquer sur leur sol des personnes à la recherche d’or. Leur nombre estimé entre 500 et 1000. D’où viennent ces gens ? Qui les a envoyés à Boahia ? Mystère. Mais un informateur (qui a requis l’anonymat) est formel : « C’est avec la complicité du sous-préfet qu’ils sont là. Les cadres allés en mission de sensibilisation ont failli se faire lyncher par ces orpailleurs qui ont la force du nombre. Ils ont envahi les localités de la sous-préfecture avec des caisses de cyanure et d’autres produits toxiques », se plaint-il.
Selon notre source, cette autorité préfectorale n’est pas à son premier coup. « Le même sous-préfet avait déjà fait venir des exploitants forestiers à Doumorossi, un village pas loin d’ici. Il en a résulté des altercations et ces exploitants chassés par les populations ont promis revenir avec la manière forte », accuse-t-il. Nos tentatives pour entrer en contact avec l’autorité préfectorale de Boahia ont été infructueuses.
Autre lieu, même problème. Dans des localités de la sous-préfecture de Sorobango (au nord-est de Bondoukou), des terres ont été envahies par des orpailleurs. Pour la plupart, ressortissants des pays voisins à la Côte d’Ivoire : Guinée, Ghana, Burkina Faso, Mali, Niger. À Tambi, ils ont abîmé les terres en creusant des trous béants dans le sol. Ces individus sont-ils vraiment des clandestins ? Pas sûr. Leurs activités, bien qu’illégales, sont connues des élus locaux.
Par mail daté du 15 septembre 2015, nous avons demandé au député de Sorobango sur ce qu’il sait de l’orpaillage illicite dans sa circonscription. De Kouman Kra Coolbee, se disant le chargé de la Communication du parlementaire, nous avons reçu cette réponse : « Cher confrère, nous avons reçu votre mail. Conformément à la recherche de vérité qui régit la démarche que vous avez adoptée, il serait mieux de vous déplacer sur le terrain afin de recueillir les informations recherchées. Étant donné que le député a pour résidence Abidjan, même s’il se rend régulièrement dans sa sous-préfecture, il ne reçoit que des informations de tierces personnes qui peuvent ne pas refléter la réalité du terrain. De peur de vous donner des réponses erronées, procédez à la recherche de l’information sur le terrain ! ».
À la réponse surprenante du député Mohamed Ouattara, qui avoue ne rien savoir sur ce qui se passe dans son fief électoral pour cause de « résidence à Abidjan », s’ajoute cette autre réalité : les mines des orpailleurs sont gardées par des hommes armés en uniformes. Ces derniers, identifiés par les habitants de Tambi comme des soldats de l’armée nationale. Leur présence a curieusement décuplé les actes d’insécurité dans la zone.
Ailleurs, sur le territoire national, les mêmes soupçons de complicité sont émis. Lundi 24 juillet 2017, Mark Bristow a été incisif. « On est confronté à cette difficulté de voir des milliers d’orpailleurs illicites sur les sites de Boundiali pour lesquels nous détenons des permis. On a l’impression d’avoir affaire à un système de crime organisé mis en place. Ils ont l’air d’être protégés », a déploré le PDG de Randgold Resources (société exploitant la mine d’or de Tongon). Mark Bristow insiste : « À l’évidence, il y a une complicité avec des personnes évoluant à un certain niveau de responsabilité ». Et de conclure : « Il est important qu’une décision gouvernementale soit prise de façon radicale ».
Dans la région de Gontougo, l’environnement porte des séquelles de la présence des mineurs illégaux. À Broukro, Assafo et Kongodjan, l’activité minière artisanale a contaminé au cyanure et au mercure les cours d’eau.
En 2015 et 2016, le gouvernement a procédé à la fermeture de 142 mines illégales sur le territoire national. Mais ces sites ont vite été « recolonisés » par les déguerpis. Les 64 mines artisanales détruites dans le Bounkani (Bouna) et le Gontougo (Bondoukou) ne feront pas exception, si des patrouilles régulières ne sont pas effectuées sur ces sites.
Les chercheurs illégaux d’or ont envahi cette région nord-est, suite à la guerre civile qui a secoué le pays, de 2002 à 2010. Les villes de Bouna, Doropo et Téhini ont été occupées par les rebelles. Ces derniers ont développé une économie de guerre en exploitant les ressources minérales locales. Notamment l’or. La réunification du pays, en 2011, n’a pas mis un terme à l’influence des ex-chefs de guerre dans cette zone. Dans leur rapport d’avril 2014, les experts de l’ONU en charge de surveiller l’application de l’embargo sur les armes ont accusé une importante figure de la rébellion de « contrôler l’extraction artisanale de l’or dans la ville de Doropo, site exploité au titre d’une concession par des ressortissants burkinabé ». Le nombre des mineurs grossit, dans les localités du Nord-Est.
OSSÈNE OUATTARA