Le 8 mai, nous avons publié sur le site des Observateurs de France 24 un article sur l’extraction minière dans le Nord-Est ivoirien. Nous évoquions les conditions difficiles dans lesquelles travaillent les employés de Taurian, la multinationale indienne qui exploite les gisements de manganèse à Bondoukou (420 km d’Abidjan). Le mercredi 25 septembre dernier, Konaté Issouf, un apprenti chauffeur âgé d’une vingtaine années, a trouvé la mort par noyade.
Les circonstances du drame
Afin de débarrasser le minerai de manganèse des impuretés, les responsables de Taurian ont construit un bassin de 8 m de profondeur alimenté par l’eau du barrage de Kpoda (10 km de Bondoukou). L’eau de ce bassin non protégé sert aussi à laver les véhicules de l’entreprise. En effet, Taurian a imposé à ses routiers de tenir ses camions propres dès leur retour d’Abidjan où ils déchargent le minerai.
Le mercredi 25 septembre, des témoins ont affirmé que le chef mécanicien du site d’extraction a ordonné qu’un des véhicules soit lavé avant sa visite technique. Deux apprentis chauffeurs se sont mis à la tâche à 9 heures. Ils se sont partagés les rôles pour faire vite, vu la taille énorme du camion (18 roues, soit 40 tonnes). Pendant que son collègue lavait l’immense véhicule, Konaté Issouf était chargé d’apporter de l’eau du bassin avec un seau.
Aux environs de 10 heures, personne n’a plus revu le jeune homme. A 14 heures, des travailleurs se sont rendus au bassin pour y puiser de l’eau en vue de la prière musulmane. Ce qu’ils découvrent les stupéfait : à la surface, flottaient des sandalettes et une pièce d’identité. Ils ont compris que Konaté Issouf s’est noyé. Alertés, les Indiens ont vidé de moitié le bassin afin de permettre le repêchage du corps. Voir vidéo 1 et vidéo 2.
Un drame qui aurait pu être évité
Selon des salariés de l’entreprise, déjà en 2012, deux personnes étaient tombées dans ce bassin mal entretenu. En effet, ses bords sont boueux et très glissants. La chute accidentelle des deux hommes avait donné l’alerte, bien que secourus à temps. Ces accidents, qui s’étaient suivis l’un après l’autre, n’ont pas fait réagir la direction de Taurian dans le sens de la sécurisation de l’endroit. Ce qui devait arriver arriva : le jeune Konaté a payé de sa vie le prix de la négligence. Et comme si rien de grave ne s’est passé, les dirigeants de l’entreprise ont ordonné la reprise du travail, le lendemain 26 septembre. Pourtant clair l’article 41.1 du Code du travail ivoirien, relatif à l’hygiène et à la sécurité des travailleurs. « Pour protéger la vie et la santé des salariés, l’employeur est tenu de prendre toutes les mesures utiles qui sont adaptées aux conditions d’exploitation de l’entreprise. Il doit notamment aménager les installations et régler la marche du travail de manière à préserver le mieux possible les salariés des accidents et maladies ».
Contactée, la direction de la société a refusé de répondre à nos questions. Mais par la voix de Bitty Jean, le responsable administratif, nous avons appris que le défunt apprenti ne fait pas partie des salariés de Taurian. Curieuse information. Des travailleurs ont affirmé que le jeune de 20 ans avait l’habitude de laver les camions de l’entreprise, au vu et su des responsables. Ces derniers ont-ils quelque chose à cacher ? Dans nos investigations, un nom est revenu plusieurs fois : Kouyaté Mamadou. Qui est-il ? A-t-il une responsabilité dans l’affaire ? Nous y reviendrons.
OSSENE OUATTARA