Commune de Koumassi, à Abidjan, dimanche 26 février. Au petit matin, Kobenan Kra Ignace était parmi les personnes ayant pris place à bord du premier car de Gontougo transport tourisme (GTT), compagnie assurant le trajet Abidjan-Bondoukou. L’ingénieur comptable se rendait à Kotogwanda, dans le département de Koun-Fao. Comme plusieurs autres passagers, l’homme de 40 ans n’arrivera pas à destination. Il a péri dans l’accident de leur bus, à environ 25 km de la ville d’Abengourou.
Si la tragédie a endeuillé toute la région de Gontougo, la manière dont la direction de la société de transport a géré la suite des choses a outré des proches de victimes. Kouman Kouadio Appaouh, frère cadet du défunt Kra Ignace, accuse les responsables de GTT d’avoir mal géré l’accident. Aucune cellule de crise instaurée. Conséquences : manque d’informations sur l’identité des victimes (blessés et morts), refus d’aider les familles pour l’organisation des funérailles des personnes décédées. « Nous savions que notre frère avait emprunté le car accidenté. C’est pourquoi, dès que nous avons appris la nouvelle du drame, nous sommes allé au siège de la compagnie, à Koumassi. Nous n’avions pas trouvé d’interlocuteurs. Le chef de gare a été incapable de nous donner l’identité des blessés et des morts. On voulait vite savoir la situation dans laquelle se trouvait notre frère Ignace. La direction ne nous a donné aucune réponse. Le visage du chef de gare n’exprimait aucune tristesse », relate Kouadio Appaouh.
La défaillance constatée dans la communication des dirigeants de la compagnie a rendu pénible l’attente et exacerbé l’angoisse des familles. « L’accident s’est passé le dimanche 26 février à 9 heures. Ce n’est que le lendemain lundi aux alentours de 12h30, après un parcours de combattant, que nous avons retrouvé le corps de notre frère à la morgue d’Abengourou. Nous l’avons cherché dans tous les hôpitaux où les blessés ont été évacués. Sans succès. Nous sommes allé au CHU de Yopougon, au centre de santé d’Aniansué … », se souvient le frère cadet. Qui poursuit son réquisitoire contre GTT : « la direction de la compagnie avait promis prendre en charge les frais funéraires, à l’exception de ceux liés au transfert de la dépouille et au cercueil. Nous lui avons communiqué les dates de l’enlèvement du corps de notre frère et son enterrement. Mais à 2 jours de la date, la direction de GTT a renoncé à tous ses engagements. Elle n’a envoyé aucun représentant à la veillée, à la levée de corps à Abengourou ni à l’enterrement. La famille n’a reçu aucun franc de la société. Pas même un message de compassion », s’indigne le jeune Appaouh. Son aîné Kobenan Kra Ignace a été enterré, samedi 11 mars, à Songori (Bondoukou).
Contactée, l’entreprise de transport n’a pas totalement nié les faits. Admettant que le jour de l’accident, la priorité était de porter secours aux blessés graves. « L’objectif immédiat étant d’éviter que le nombre de morts qui était de 9 s’alourdisse », a fait savoir Auguste Banassi. Le patron ajoute : « tous les blessés ont été pris en charge et continuent de recevoir des soins. Nous avons aidé les familles qui ont décidé d’enterrer rapidement leurs morts et qui nous ont fait part de leurs difficultés financières ».
Le transporteur a précisé que sur conseil de collègues ayant déjà géré un drame similaire, sa compagnie a cessé de prendre les frais funéraires des morts. « À la société d’assurance de dédommager ou rembourser aux victimes tous les frais induits », a conclu le propriétaire de GTT. Ses propos soulèvent ces questions : que fait une famille qui n’a pas d’argent pour parer au plus pressé ? Devra-t-elle attendre le temps que la maison d’assurance lui mette les moyens à disposition ? Il faut alors compter 1 ; 2 ou 3 ans au minimum. Les parents du défunt Kra Ignace ont saigné pour réunir les 884.286 francs CFA que l’agence IVOSEP d’Abengourou leur a exigés. Montant qu’ils ont payé pour les 11 jours de conservation du corps à la morgue.
Le nombre de morts liés à la tragédie a quant à lui augmenté. Le blessé Boureima Ouattara, à qui des médecins du CHU de Yopougon ont réclamé plus d’1 million de francs CFA pour le soigner, est allé au Ghana, faute d’argent. Il est décédé là-bas. « Nous n’avons pas été informé très tôt de son cas », s’est défendu le patron de GTT.
Cette société a lancé ses activités en septembre 2016. Le 26 février, un jour noir pour elle. Un de ses 6 cars neufs a fait une sortie de route, tuant sur le coup 9 passagers. Le chauffeur en est sorti avec des blessures légères. Mais à ce jour, il n’a pas été mis aux arrêts pour homicide involontaire. Un paradoxe difficilement acceptable pour Kouman Appaouh.
OSSÈNE OUATTARA
C’est ça l’Afrique ! Sinon ce sont les assurances qui s’occupent du dédommagement des victimes d’un sinistre et non la compagnie de transport
Bien sûr, monsieur ! Dans ce cas, la compagnie, pour le respect des victimes, ne promet pas de prendre en charge certains frais. Son choix a été fait de façon volontaire. Pire, elle renonce à ses engagements sans informer les parents des victimes. C’est un manque de respect à l’égard des morts.
Encore, quand le DG de la compagnie dit à des parents de victimes « j’ai déjà dépensé 5 millions pour les premiers corps. Je ne peux plus payer de l’argent », cela montre le mépris à l’égard de ceux à qui on a promis.
Pour votre information, le nombre de morts n’est plus loin de la cinquantaine.
Adieu Ignace homme au grand coeur, que la terre te soi légère, je ne t’oublierais jamais,
Repose en paix.